Peu de personnes en ont conscience, mais chacun interprète à sa façon et fait l’expérience de SA réalité subjective du monde, plutôt que de LA réalité objective. Cette idée prend tout son sens lorsque l'on parle de la fibromyalgie, une maladie invisible et souvent incomprise.
Cela me rappelle la parabole indienne des aveugles et de l'éléphant. Dans cette histoire, un groupe d'aveugles rencontre un éléphant pour la première fois. Chacun touche une partie différente de l'animal et en tire une conclusion sur ce à quoi il ressemble. L'un, touchant la trompe, pense qu'un éléphant est comme un serpent. Un autre, touchant la patte, croit qu'il est comme un tronc d'arbre. Chacun a raison de son point de vue, mais aucun ne perçoit la totalité de l'éléphant. De même, notre perception de la réalité est fragmentaire et limitée par nos expériences personnelles.
La fibromyalgie se manifeste par une douleur diffuse, une fatigue chronique, et une multitude d'autres symptômes que la médecine peine encore à comprendre entièrement. Parce qu'il n'y a pas de marqueurs visibles ou d'analyses claires pour la diagnostiquer, la fibromyalgie reste une énigme pour ceux qui ne la vivent pas. Ainsi, il devient extrêmement difficile pour quelqu'un qui n'a jamais souffert de fibromyalgie d'imaginer les défis et les douleurs qu'endure une personne atteinte.
Je me souviens d'une rencontre qui illustre parfaitement cette réalité subjective.
Avant de tomber malade, j'ai croisé une dame qui avait dû se reconvertir professionnellement. Atteinte de fibromyalgie, elle ne pouvait plus exercer son métier d'origine et avait choisi d'ouvrir un élevage de chiens. À cette époque, en la regardant, je ne comprenais pas pourquoi elle avait dû changer de carrière. Elle semblait en bonne santé, active et souriante. Rien dans son apparence extérieure ne trahissait la douleur constante et l'épuisement qu'elle devait ressentir, moins encore les perturbations de ses capacités cognitives.
Ce n'est que quelques temps plus tard, lorsque j'ai moi-même été atteinte par la maladie, que j'ai compris. J'ai commencé à vivre ce qu'elle vivait. Chaque jour devenait un combat contre une douleur omniprésente, une fatigue écrasante, et une multitude de symptômes invalidants. Ma perception de la réalité avait radicalement changé. J'ai alors réalisé à quel point il est difficile de comprendre pleinement ce que quelqu'un d'autre traverse sans l'avoir vécu soi-même.
Nous avons tous été, à un moment ou à un autre, dans le rôle de la personne qui juge sans savoir. Cette expérience m'a enseigné l'importance de la compassion et de l'ouverture d'esprit. Nous devons reconnaître que notre réalité subjective, façonnée par nos expériences personnelles, est limitée. Nous ne pouvons pas toujours voir ou comprendre les luttes invisibles des autres. La fibromyalgie, en tant que maladie invisible, nous rappelle douloureusement cette vérité. Elle nous invite à faire preuve de patience et de bienveillance envers ceux qui semblent aller bien en surface mais qui luttent intérieurement. Cette patience doit aussi s'appliquer pour comprendre l'incompréhension d'autrui, car chacun voit le monde à travers le prisme de ses propres expériences.
En fin de compte, la compréhension de la réalité subjective de chacun demande une écoute attentive et une empathie sincère. En reconnaissant nos propres limites de perception, nous pouvons ainsi mieux offrir notre respect et notre compréhension mutuelles. La communication reste, à mon sens, le meilleur moyen pour prêter à l’autre sa lorgnette tronquée contre la sienne, quelques minutes…